Théisme et déisme
Ecoutons ce que dit l’une de ces Lumières prétendument déistes de l’époque, initiée sur la fin de sa vie à la Loge des neuf sœurs, nous parlons ici de Voltaire dans le Dictionnaire philosophique. Pour lui la distinction déisme théisme n’est pas pertinente car à ses yeux le déisme ne veut rien dire et il préfère parler de panthéisme ou de théisme. « Le théiste est un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants, sentants, et réfléchissants ; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses.
Réuni dans ce principe avec le reste de l’univers, il n’embrasse aucune des sectes qui toutes se contredisent. Sa religion est la plus ancienne et la plus étendue ; car l’adoration simple d’un Dieu a précédé tous les systèmes du monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu’ils ne s’entendent pas entre eux.
Il a des frères depuis Pékin jusqu’à Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie : « Prends garde à toi si tu ne fais pas le pèlerinage à La Mecque ! » « Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette ! » Il rit de Lorette et de La Mecque ; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé. »
Dans le cadre de ce propos, la distinction déisme-théisme sert donc essentiellement à préciser, autant que de besoin, les contours de la spiritualité maçonnique des Loges traditionnalistees et régulières .
LE THEISME
C’est la “doctrine qui admet l’existence personnelle d’un Dieu et son action providentielle dans le monde”.
Le Théisme implique :
La Transcendance et l’Immanence.
Que Dieu est le Tout Autre.
Que Dieu est en tout.
La Révélation (par les Ecritures et par la Nature).
L’Alliance de Dieu avec les Hommes (Noé).
La relation personnelle et intime de l’Homme avec son Créateur.
L’Amour de Dieu pour l’Homme et de l’Homme pour Dieu.
Le désir de faire librement la Volonté de Dieu en réalisant son Plan Divin sur Terre.
Que l’Homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Que l’Homme n’a pas sa fin en lui-même, mais qu’il tient son “telos” par Révélation divine.
Que l’usage de la Raison par l’Homme pour connaître Dieu à partir des Créatures et de la Création est légitime mais insuffisante.
Que la Tradition se fonde sur la Révélation.
Ainsi, le théisme sert de référence originelle à notre école de spiritualité. Celle-ci considère que le perfectionnement de chacun n’est pas une fin en soi, mais une préparation à la participation libre, volontaire et consciente, à parfaire la Création selon le Plan Divin.
LE DEISME
C’est le système de ceux qui, rejetant toute révélation, croient seulement à l’existence “nécessaire” de Dieu dans le monde et à la “religion naturelle”. Dans le déisme, Dieu est un concept qui répond à des formes académiques dont on se contente de reconnaître l’existence en tant qu’être suprême, mais sans révélation.
Dans ce contexte, Dieu est :
Neutre.
Indifférent.
Inconnaissable.
Sans relation avec l’Homme, l’univers de l’Homme et la création. Il est Eternel, et Immuable, excluant tout rapport avec le changement et le devenir.
Il y a continuité d’essence entre Dieu et l’Univers.
C’est un Dieu ordonné à lui-même, et qui n’intervient pas dans le monde.
C’est une abstraction, un principe philosophique.
Le déisme revendique le statut de “Religion naturelle dans les limites de la raison”.
Il inspirera, au XVIIIe siècle, certains, mais pas tous les penseurs de la philosophie des “Lumières” française.
Dans le déisme, pas de dialogue entre Dieu et l’Homme, ni entre l’Homme et Dieu (parce que Dieu est un principe et que l’on ne dialogue pas avec un principe abstrait).
D’où l’individualisme de l’Homme par rapport à ce Dieu Créateur impersonnel.
Le Déisme génère :
- le relativisme.
- le syncrétisme.
- l’agnosticisme (qui considère que Dieu ne peut pas être connu).
Le déisme sert de référence à des écoles de pensée qui considèrent que la Pensée seule est divine, et que le perfectionnement de l’Homme et de la Nature ne peut aboutir à son total accomplissement qu’au moyen de la seule raison humaine.
La croyance en Dieu
La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers est la référence commune à tous les maçons de tradition. En Ecosse dès 1634 et en Angleterre dès 1646 on trouve les premiers textes attestant du passage d’une maçonnerie opérative (qui bâtit de ses mains) à une maçonnerie spéculative ( qui réfléchit ) Il était demandé aux maçons opératifs (ceux qui construisaient de leurs mains) non seulement une connaissance étendue de leur métier dont ils transmettaient « les secrets » aux apprentis et compagnons , mais également une vie exemplaire illuminée par la certitude qu’un principe supérieur à l’homme devait les guider. Ce principe supérieur, que les maçons désignent sous le vocable de “Grand Architecte de l’Univers”, transcende et fédère toutes les religions dans le noble but de rapprocher tous les hommes, quelles que soient leurs croyances, dans une fraternité universelle, ceci dans le respect mutuel, pour bâtir un monde meilleur. Cet esprit particulier des Francs-Maçons transparaît dans les Constitutions d’Anderson, dès le titre premier intitulé : «concernant Dieu et la religion. »
Dans la version de 1723, le texte fondamental est le suivant :
“Un Maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la loi morale et, s’il entend bien l’art, il ne sera jamais athée stupide ni libertin irreligieux. Mais, quoique dans les temps anciens, les Maçons fussent tenus dans chaque pays d’être de la religion, quelle qu’elle fût, de ce pays ou de cette nation, cependant il est maintenant jugé plus à propos de seulement les astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses opinions particulières ; c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux ou hommes d’honneur et de probité par quelques dénominations ou confessions qu’on puisse les distinguer…”
Ce texte fondateur impose des obligations morales et distingue clairement “la” religion, des confessions religieuses. Il n’explicite pas la croyance en la volonté révélée de Dieu. Les questions de théisme, ou de déisme, posées aujourd’hui à propos de cette croyance en Dieu, Grand architecte de l’Univers, font l’objet de réflexions nourries dans les Loges maçonniques. Il faut noter que les Grandes Loges traditionnelles régulières comme la GLNF optent clairement pour le théisme et la croyance en une Volonté divine révélée. Le “support” de la révélation divine n’est pas a priori fermé mais toutefois il est, sinon explicité, du moins figuré par la présence du Volume de la Loi sacrée ouverte pendant les travaux maçonniques.
L’évolution sociologique, particulièrement en Angleterre amène d’abord – entre 1720 et 1732 – à la réception des juifs en Maçonnerie (M.Shaftesley A.Q.C.92 : 25-45 ; 1979). Assez rapidement, la nature de l’engagement maçonnique se façonne sur un modèle assez ouvert.